vendredi 21 novembre 2014

Confessions d’une serial bigleuse


Il y a peu, je me suis enfin décidée à changer de binocles. Depuis l’âge révolu de 11 ans je fais partie en effet de la catégorie « des myopes ascendant taupe », doublé par ailleurs de deux yeux astigmates. Et ce n’est pas avec mon âge déclinant que les choses s’arrangent…

Il y a 30 ans donc, aller chercher ses lunettes chez l’opticien avait tout du cauchemar. Bizarrement, obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmo était plus rapide, pas comme aujourd'hui donc. Porter des lunettes à cette époque vous faisait invariablement passer dans la case « adolescente boutonneuse à jean de velours pattes d’éph' ». Si je force le trait, c’est que je me souviens très bien d’un vieux jean velours côtelés gris bleuâtre largement évasé sur le bas – tout ce qu’il y a de plus glamour ! La mode a bien changé, et moi aussi, Dieu merci.

Appartenir à la catégorie tristement connue des binoclards n’a jamais été une sinécure. Cela s’apparentait plus à une longue torture morale : non seulement celle d’avoir constamment des loupes sur le bout du nez, mais aussi d'être ce(lui)lle montré(e) du doigt à la récré car toujours fourré(e) dans un coin en compagnie de ses maudits bouquins ; ce(ui)lle aussi d’être naturellement désigné(e) pour porter le titre peu glorieux et non moins lourd de « premier(e) de la classe » - donc le chouchou du prof ; donc la fille/garçon à abattre.

Il y a 30 ans porter des lunettes creusait le fossé entre le reste du troupeau et le mouton noir, moi donc, que j’étais déjà à mon corps défendant.

Si je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, c’est que les lunettes étaient loin, à l’époque, d’être des accessoires de mode tels que Smartphone et autres I-pad. Je l’ai toujours nommé « mes lunettes de sécurité sociale ». Et, de fait, elles le sont véritablement restées – quand on regarde le forfait octroyé par ce sympathique organisme. Rien n’a vraiment changé de ce côté : avoir de mauvais yeux reste un luxe, un privilège que seule une bonne mutuelle permet d’acquérir.

Mais passons.

Mes premiers binocles étaient une véritable catastrophe en matière d’image. Un plastique blanc 1er prix avec quelques effets rosâtres, vaguement rectangulaires si je m’en souviens bien et, déjà, des verres épais comme des culs de bouteilles tant ma myopie était importante. Tout pour plaire donc !

Les suivantes furent moins affreuses, enfin pour l’époque : de l’écaille marron. Mais, les opticiens n’ayant alors aucune notion de la morphologie, elles me mangeaient une bonne partie des joues.

Je restais toutefois dans le marronnasse sérieux qui sied à une première de la classe, tout en réduisant quelque peu la taille et l’épaisseur de mes verres - la technique s’améliorant avec le temps, pas comme ma myopie qui s’aggravait, elle.

En vacances au Portugal, je changeais de couleur tout en restant dans l’écaille. Mon parrain possédait en effet deux magasins d’optique et eut la bonne ( ?) idée de m’offrir une nouvelle paire de lunettes, jugeant celles que je portais tout simplement moches de chez moches. Cependant, malgré ces efforts louables, ce n'était pas encore ça.

Avec les progrès en matière de lunetterie, les binocles sont devenus hype, même hipster, qui l’eût cru ? Pas moi en tous cas. Marques tendances – voire de grand couturier ; matériaux plus légers ; verres dix fois plus fins : le bonheur. Je pouvais enfin passer dans la case fashion victim ou presque, parce que moi, je suis quand même obligée de les porter si je veux voir quelque chose au travers de ce brouillard quotidien.

Ce fameux samedi, comme un gosse à l’approche de Noël, j’avais grand hâte de me rendre au rendez-vous que m’avais fixé mon ami Alain, celui qui aime offrir une 2ème paire pour 1 euro.

Mais pourquoi ne porte t-elle pas des lentilles, me diriez-vous ?

La force de l’habitude sans doute n’y est pas étrangère. Quand je retire mes lunettes, j’ai tout l’air d’une vieille chouette qui a fait trop la bringue la nuit dernière et les nuits d’avant.

Et puis, c’est quand même devenu un accessoire comme un autre qui peut vous habiller joliment le regard...

dimanche 16 novembre 2014

My summer in Berlin Day 5 - Un petit goût de revenez-y ou comment te dire adieu…

Lors de mon séjour, je m’étais jurée que le dernier jour serait celui du farniente total, entre un bon gros petit déjeuner, un peu plus de sommeil que de coutume, et un rangement de ma valise – surtout bien tasser les vêtements afin de faire de la place aux cadeaux que j’avais acheté la veille. Mon avion décollant à 17h00 pétantes, et ne voulant pas réitérer les péripéties de l’aller, je m’accorderai au moins 2 heures pour repartir tranquillement et sans stress, comme la tortue de la fable.


Mais le dicton « souvent femme varie » n’est jamais aussi juste que cette fois-là. 
 

Parce que je ne pouvais quitter Berlin comme ça. Parce que la rupture se devait être douce et d’un commun accord.


C’est donc armée de mon appareil photo que je me rendis sur les lieux de mon forfait, Alexanderplatz, pour un baroud d’honneur, une dernière danse comme aurait évoqué ces chanteurs et poètes, j’ai nommé Kyo.
 

Car oui, je suis tout à fait capable de citer Oscar Wilde et Secret Story dans la même conversation.


Entre les dizaine de piafs, nourris en terrasse par une sympathique berlinoise amoureuse des animaux ; un joli souvenir du S-Bahn entrant dans la gare centrale, comme dans le générique du « destin de Lisa » (en vrai, je me s’y mise à plusieurs reprises) ; un dernier cliché, celui d’une trentaine de vélos laissés là par leur propriétaire, devant un magasin, attachés certes, mais pas aussi fermement que mes 3 antivols ; puis quelques autres babioles achetées à la hâte, dont un magnifique ours en peluche, symbole de la ville, que je n’ai toujours pas réussi à offrir à la fille de deux de mes amis.
 












Mais ce dernier jour restera celui d’un bilan plus que positif :
   
  •  La discipline des allemands. Vérifiable surtout aux feux : le petit bonhomme est rouge, tout le monde attend sagement. Je peux vous garantir qu’après avoir subi l’anarchie dans les rues de Lille, cela est bien reposant.
  • Le vélo est roi. Le cycliste est empereur. Circuler à vélo et vous êtes prioritaires sur pas mal de règles du code de la route. Par ailleurs on ne vous regarde ni méchamment ni bizarrement si vous slalomez sur les trottoirs.

  • La langue. Je ne maîtrise pas la langue de Goethe, mais en parlant couramment anglais, j’ai pu aller d’un endroit à l’autre sans souci. Un vrai poisson dans l’eau.

  • La gentillesse et la courtoisie des berlinois. Pour souligner mon propos : comme par hasard, le jour où je repartais pour l’aéroport, la ligne que je devais prendre était en travaux. Une brave dame, me voyant désemparée sur le quai, m’a alors proposé de m’indiquer le chemin, mieux de m’accompagner jusqu’à l’avant dernière station. Je n’ai pas souvenir d’avoir été l’objet d’une telle attention dans une grande métropole française. Le plus drôle était qu’elle ne parlait pas bien anglais, pas plus que je baragouinais un mauvais allemand ! Sans oublier mon hôte qui m'a si bien conseillé à la fois sur les visites et les itinéraires.
      
    • Je n’ai jamais eu ce sentiment d’insécurité comme je peux parfois l’avoir lorsque je me balade un peu trop près des portes (Arras, Douai, Valenciennes, Poste) dans ma bonne ville de Lille. Et les agressions et autres incivilités récentes ne m’incitent pas davantage. Berlin est réputée pour ça aussi. Bien sûr, tout n’est pas blanc et la ville a quand même son quota de criminalité – faible le pourcentage ceci dit.

  •  L’ouverture d’esprit : que ce soit par mon mode d’alimentation, ou par mes nombreuses interrogations, ou encore par mon désir d’aller vers l’autre. Je ne sais pas si le fait d’avoir été séparée en 2 durant presque 30 ans y est pour quelque chose, mais j’ai vraiment ressenti un sentiment d’ouverture. D’ailleurs, au voyage de retour, j’ai discuté avec un charmant couple de Stuttgart qui m’a bien aimablement pris quelques photos des nuages – cette fois je n’étais pas du côté hublot.

En allant à Berlin, j’avais le sentiment d’être à ma place, dans une ville qui me correspond. Je défie quiconque de ne pas tomber amoureux comme je l’ai été. 
 

Et si d’aventure vous êtes tenté(es), un bon conseil : laissez-vous portez votre curiosité et ne vous laissez pas tomber dans le piège des visites toutes faites, avec arrêts au musée de Mme Tussaud à la clé.


dimanche 9 novembre 2014

If walls can talk*

Un quart de siècle après, et quelques cheveux plus tard, nous célébrons en ce jour les 25 ans de la chute du mur de Berlin. Je ne reviendrai pas là-dessus, j'en ai déjà parlé ici pour ces 20 ans, quand moi-même j'avais cet âge.

En revenant de mes vacances, on m'a raconté qu'entre 1961 et 1989, des milliers de lapins ont élu domicile dans le no man's land. Un vrai paradis pour nos amis lagomorphes. En farfouillant un  peu sur le net, j'ai également découvert que les soldats postés sur les miradors  avaient interdiction de tirer sur eux. D'ailleurs, certains racontèrent qu'observer les lapins à la jumelle étaient une de leurs rares distraction de la journée.

J'ai trouvé que c'était une bien jolie façon de commémorer la chute du mur, moi qui  squatte chez le gang des pompons - bien plus qu'ils ne vivent chez moi.


 * Honteusement pompé sur l'excellent "if these wells could talk 2" - traduit stupidement en français par "sex revelations 2". Je n'ai pas vu le 1er opus, mea culpa, mais je vous conseille ce film.



mercredi 5 novembre 2014

My summer in Berlin - Day 4 : ou comment je me suis mise au vert dans le Mauer Park

C’est évidemment bien fatiguée que, le lendemain, je me décidais à profiter d’une journée off plutôt que de martyriser de nouveau mes pieds comme je l’avais fait la veille. Je marcherai moins ce dimanche, avais-je décrété. Et puis le dimanche, comme tout un chacun, j’ai une fâcheuse tendance à la procrastination.


Berlin étant une ville verte, mais aussi colorée avec ses free-market, ou marchés aux puces. J’avais donc opté pour le plus connu d’entre tous, le plus proche du quartier où j'habitais aussi : le Mauer Park. Mauer car non loin de l’ancien mur, ainsi que de la Bernauer Strasse.

On y vient en famille, seul(e) ou accompagné(e). On y passe la journée en promenant les enfants dans la poussette, le chien à collier et la belle mère acariâtre. On chine, on déjeune – enfin on avale sur le pouce de nombreux plats prêts à manger, on profite des concerts. Je ne dérogeais pas à la règle du farniente dominical.


Je suis en effet une bonne cliente des marchés en tous genres qu’ils soient aux puces, de légumes, de fringues, de brocante – bouquineries - disques vinyls, ou braderies de tout et n’importe quoi. D’ailleurs, en bonne Wazemmoise que je suis, je suis pendue tous les dimanches sur le marché du même nom. Encore une fois donc, je ne dérogeais pas à la règle.


Le Mauer Park est scindé en deux : d’un côté, la partie purement mercantile ; de l’autre, la partie herbeuse, idéale pour pique niquer, jouer au foot, agiter son cerf-volant dans le vent ou encore siester. Entre les deux, une mince frontière caillouteuse, ou boueuse selon la saison des pluies.

Avant d’affronter la foule, je découvris un café au nom pittoresque et pour le moins pittoresquement installe – en sous-sol : le Glory Hole. Prendre son deuxième petit déjeuner au Glorieux Trou fut l’un des meilleurs souvenirs auf Berlin. Je ne sais toujours pas le pourquoi du comment du Glory Hole. Et les sympathiques jeunes propriétaires/cuistots/écolos/100% organ foodista ne m’ont donné aucune explication convaincante sur ce pourquoi, chacun se contredisant dans un sourire communicatif. Je partis donc à la conquête du marché, ma longue pratique de celui de Wazemmes aidant – je n’allais quand même pas me laisser berner, non sans avoir laissé un bon pourboire. Il est de coutume, et de bon ton, de laisser un petit quelque chose au serveur au risque de passer pour un radin, et pire, un radin français !


A l’entrée du parc, je fus accueillie par un chanteur folk. Il pleuvait et il n’était pas facile de déambuler entre les nombreuses flaques d’eau. Des planches avaient été posées en catastrophe afin qu’on ne plonge pas ses godasses dans ce brouet immonde. Bien sûr, les badauds que nous étions faisaient en sorte de veiller à rester stables lorsque nous nous croisions sur ces planches.

C’est au Mauer Park que j’ai acheté la quasi-totalité des petits cadeaux que j’allais bien évidemment offrir à ma famille et mes amis à mon retour. La valise étant limitée, je devais faire preuve d’imagination pour prendre quelque chose d’à la fois petit et qui corresponde à chacun Je sais, ce jour là, j’ai fait ma touriste.

Ce free market est un mix entre fringues – j’ai bien failli m’acheter une veste militaire estampillée « guerre froide », ; brocante pure et dure, ; atelier(s) vélo(s) où on peut trouver de tout en pièce(s) détachable(s), jusqu’au vélo d’occasion ; stands de cadeaux souvenirs ; friteries et autres baraques à frites, bonbecs, avec mentions spéciales pour les multiples possibilité de nourriture végétar(l)iienne. Ayant goûté une délicieuse galette de légumes, mon estomac avait déclaré forfait face au tentant végan burger. Ce serait pour une autre fois ! Et, last but not least, le bar/karakoé où déjà des danseurs de salsa ondulaient entre les tables et les spectateurs. 

L’après midi fut plus calme, encore que mes pieds ont été bien sollicités. Je déambulais dans le parc côté vert, m’arrêtant devant un numéro de jonglage, un robot fait entièrement de pièces de recyclage et animé par son génial créateur sous les vivats du public, tapant la mesure lors d'un concert frénétique de batterie non moins frénétiquement rythmique - quelle énergie !


Une à deux fois, j’eus l’idée de m’offrir moi aussi une de ces bières vendues par un marchand ambulant. Car je n’avais toujours pas ingurgité ce satané houblon germanique.

Je rentrais chez mon hôte dans le froid et la pluie, un peu déprimée car j’allais repartir le lendemain.